Ce qu’il faut retenir
- Il n’existe pas assez de preuves pour conclure à l’efficacité des dispositifs de rappel/relance auprès des professionnels de santé seuls (sans autre type d’intervention) pour augmenter la couverture vaccinale. Peu d’études sont disponibles et conduisent à des résultats contradictoires.
- Ces dispositifs de rappel/relance peuvent être combinés avec d’autres types d’interventions auprès des professionnels mais il n’existe pas non plus assez de preuves pour conclure à l’efficacité de ces interventions combinées pour augmenter la couverture vaccinale.
- Ces dispositifs de rappel/relance peuvent également être combinés avec des interventions auprès des patients (le plus souvent des rappels). Dans ce cas, il existe des preuves d’une certaine efficacité de ces interventions pour augmenter la couverture vaccinale.
Définition et objectifs
Les dispositifs de rappel et de relance pour les professionnels de santé ont pour objectif d’informer les professionnels qui administrent les vaccins que certains de leurs patients sont en retard de leurs vaccinations (relance) ou doivent se faire vacciner prochainement (rappel)*. Ces rappels peuvent être réalisés de différentes façons. Dans les études disponibles, ils prennent le plus souvent la forme :
- d’alertes dans le dossier médical électronique du patient ;
- de notes préparées à l’avance et insérées dans le dossier médical du patient.
Les dispositifs de rappel pour les professionnels de santé peuvent être mis en place seuls ou en combinaison avec d’autres types d’interventions auprès des professionnels (sensibilisation ou feedback par exemple) ou avec une intervention auprès des patients (dispositif de rappel pour les patients par exemple).
* Par souci de lisibilité, dans la suite de la fiche, les « dispositifs de rappel et de relance » seront plus simplement dénommés « dispositifs de rappel ».
Impact attendu
- Augmentation de la couverture vaccinale.
Preuves scientifiques de l’efficacité
Type d’impact attendu | Rappels pour professionnels seuls | Rappels pour professionnels combinés avec autre intervention pour professionnels | Rappels pour professionnels combinés avec intervention pour patients |
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Couverture vaccinale |
Dispositifs de rappel pour les professionnels seuls
Il n’y a pas de preuves suffisantes pour conclure à l’efficacité ou à l’inefficacité des dispositifs de rappels pour les professionnels de santé seuls (c’est-à-dire utilisés sans autre intervention auprès des professionnels ou des patients) pour augmenter la couverture vaccinale contre le papillomavirus humain.
C’est la conclusion à laquelle sont arrivés les auteurs de deux revues systématiques publiées en 2016 (1,2) après avoir identifié uniquement deux études primaires américaines pour ce type d’intervention.
L’une de ces études primaires (de type essai contrôle randomisé) n’a pas montré d’effet significatif de rappels auprès de médecins sur les couvertures vaccinales HPV (1ère dose ou vaccination complète à 3 doses). Dans cette étude, les rappels étaient le plus souvent réalisés via une alerte automatique dans le dossier médical électronique du patient (3).
L’autre étude primaire, de moindre qualité (sans groupe comparatif randomisé), a montré un effet significatif de rappels auprès de médecins réalisés à partir de bases de données électroniques sur l’initiation de la vaccination HPV (+14 points de %, p<0,001) et sur la vaccination complète dans le respect du schéma vaccinal (4).
Dispositifs de rappel pour les professionnels combinés avec un autre type d’intervention pour les professionnels
Il n’y a pas non plus de preuves suffisantes pour conclure à l’efficacité ou à l’inefficacité des dispositifs de rappels pour les professionnels de santé lorsqu’ils sont combinés avec un autre type d’intervention auprès des professionnels.
Deux études conduisent à des résultats contradictoires. Dans une étude américaine, une intervention combinant une séance de sensibilisation d’une heure sur la vaccination HPV, des rappels et un dispositif de feedback** a eu un effet positif significatif sur l’initiation de la vaccination (+8 points de %, soit 1,5 fois plus de chances d’initier la vaccination, p = 0,003) mais pas sur la réalisation des doses suivantes (6).
Dans une autre étude américaine, une intervention combinant des rappels et un outil d’aide à la décision rappelant les recommandations vaccinales n’a pas permis d’augmenter les couvertures vaccinales (7).
** Faire un retour aux professionnels de santé sur leur performance en terme de couverture vaccinale de leur patientèle.
Dispositifs de rappel pour les professionnels combinés avec un autre type d’intervention auprès des patients
Il existe en revanche des preuves d’une certaine efficacité des dispositifs de rappels pour les professionnels de santé pour augmenter les couvertures vaccinales HPV lorsqu’ils sont combinés avec une intervention auprès des patients.
Les auteurs de quatre revues systématiques concluent à l’efficacité de ce type d’interventions combinées (1, 8–10), sur la base des résultats de quatre études. L’une de ces études, de bonne qualité, a comparé l’efficacité de plusieurs types d’interventions auprès de professionnels de santé et de patients et a montré que la combinaison d’interventions auprès des professionnels de santé (une heure de sensibilisation sur la vaccination HPV, rappels électroniques et feedback) et des patients (rappels téléphoniques automatiques avec message adapté à la situation du patient et lien vers un site d’information) était la plus efficace pour augmenter la couverture vaccinale 1 dose (+9 points de %, soit 1,6 fois plus de chances, p = 0,001) et la vaccination complète (+13 points de %, soit 1,5 fois plus de chances, p<0,001) (6).
L’autre étude primaire, de qualité méthodologique modérée et portant sur un faible nombre de participants, a également montré un effet positif significatif d’une intervention ciblant à la fois les professionnels de santé (rappel inséré dans le dossier médical du patient avec mise à disposition d’un outil pour conduire un bref entretien sur la vaccination avec le patient) et les patients (brochure d’information, rappels automatiques par téléphone) sur la couverture vaccinale complète 11).
Une autre étude américaine récente, de bonne qualité, a également montré qu’un programme combinant des interventions ciblant à la fois les professionnels de santé, les patients et l’organisation du cabinet (« 4 Pillars ProgramTM ») était efficace pour augmenter la couverture vaccinale 1 dose mais uniquement lorsqu’au moins 10 actions étaient mises en place dans le cabinet (12).
Une étude récente de moindre qualité a également montré une augmentation significative des taux de vaccination HPV chez les adolescents et jeunes de adultes de 9-26 ans après la mise en place d’un système de rappels pour les professionnels de santé, combinés à une action de sensibilisation des professionnels et d’information des patients, dans des lieux de soins où le vaccin était mis à disposition dans une ville américaine (5).
Exemple d’une intervention efficace
La recherche bibliographique effectuée n’a pas permis d’identifier d’intervention menée en France et évaluée. C’est pourquoi nous avons choisi un exemple d’intervention menée à l’étranger, ayant fait ses preuves et qu’il pourrait être intéressant de tester en France.
Globalement, il n’est pas possible de conclure à l’efficacité des dispositifs de rappel pour les professionnels seuls ou combinés avec un autre type d’intervention pour les professionnels pour augmenter la couverture vaccinale HPV. Cependant, il existe certaines interventions qui ont démontré leur efficacité, comme l’exemple présenté ci-dessous.
Une intervention auprès des professionnels de santé combinant sensibilisation, rappels et feedback, efficace pour augmenter l’initiation de la vaccination HPV chez les jeunes filles aux Etats-Unis
Population cible et objectifs de l’intervention
Une intervention a été mise en place dans des cabinets médicaux de médecine de premier recours situés dans deux Etats des Etats-Unis (Pennsylvanie et New-Jersey) en 2010-2011. L’objectif était d’augmenter la couverture vaccinale HPV parmi les jeunes filles de 11-17 ans suivies dans ces cabinets médicaux et qui n’étaient pas vaccinées contre les infections à papillomavirus humains.
Description de l’intervention
Dans cette étude de type essai contrôlé randomisé par grappe, plusieurs types d’interventions auprès des professionnels de santé et/ou des patients ont été testés auprès de différents groupes de cabinets médicaux. L’une de ces interventions (bras « professionnels de santé », n = 5557 patientes) visait les professionnels de santé uniquement et comprenait trois composantes : des rappels automatisés dans le dossier médical électonique du patient ; une séance de sensibilisation d’une heure en face-à-face ou en ligne (informations sur l’intervention, sur l’efficacité et la sécurité du vaccin et sur les stratégies possibles pour lever les freins à la vaccination) ; un dispositif de feedback avec des rapports trimestriels sur l’activité de vaccination du médecin, du cabinet et de l’ensemble des cabinets participants. Un groupe de cabinets « contrôle » (aucune intervention) a également été constitué (n = 5688 patientes).
Résultats
Après 12 mois d’intervention, la couverture vaccinale HPV 1 dose était significativement plus élevée parmi les jeunes filles suivies dans les cabinets médicaux du groupe intervention que parmi celles suivies dans les cabinets du groupe contrôle (respectivement 24 % et 16 %, soit 1,5 fois plus de chances, p = 0,003). Pour la 2ème et la 3ème dose, les différences n’étaient en revanche pas statistiquement significatives entre les deux groupes (parmi celles ayant reçu 1 dose, respectivement 64 % et 65 % avaient reçu la 2ème dose et parmi celles ayant reçu 2 doses, respectivement 67 % et 63 % avaient reçu 3 doses).
Référence
Fiks AG, Grundmeier RW, Mayne S, Song L, Feemster K, Karavite D, et al. Effectiveness of Decision Support for Families, Clinicians, or Both on HPV Vaccine Receipt. Pediatrics. 2013;131(6):1114‑24.