L’air que nous respirons à l’extérieur comme à l’intérieur des bâtiments contient différents polluants qui peuvent être nocifs pour notre santé, à court et à long terme. En milieu urbain, le trafic routier constitue la principale source de pollution. Différents types d’interventions peuvent cependant être envisagées pour limiter les émissions de polluants et l’exposition des populations (aménagement des voies de circulation et de ses abords, des bâtiments accueillant du public, promotion des mobilités douces…).
Définitions, éléments de contexte
- La pollution de l’air : dégradation de l’air que l’on respire par l’introduction dans l’atmosphère d’agents chimiques, biologiques ou physiques ayant des conséquences préjudiciables sur la santé humaine, les ressources biologiques et les écosystèmes, pouvant influer sur les changements climatiques, détériorer les biens matériels et provoquer des nuisances olfactives excessives ;
- La pollution d’origine routière : en milieu urbain, la pollution est principalement liée à la présence ou la proximité d’axes de circulation de taille importante et d’un trafic routier dense (1). La pollution provient non seulement des émissions à l’échappement des véhicules mais aussi d’autres sources telles que l’usure des pneus et des freins, les technologies de climatisation du véhicule, l’usure des voies routières et l’entretien de leurs abords (usage de produits phytosanitaires). A ces polluants dits « primaires » car émis directement par des sources de pollution, s’ajoutent des polluants « secondaires », tels que l’ozone et les particules, issus des réactions chimiques entre polluants se produisant dans l’atmosphère ;
- Dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la moitié des émissions d’oxydes d’azote et 20 % des émissions de particules fines sont dues à la combustion de carburant des véhicules légers et poids-lourds ;
- Le transfert de pollution dans les bâtiments situés à proximité des routes : il existe un transfert de pollution dans les bâtiments situés à proximité des routes : les polluants atmosphériques, et en particulier ceux émis par le trafic routier, pénètrent à l’intérieur des locaux (écoles, milieux de travail…), et ce même lorsque le bâti offre une certaine imperméabilité, et contribuent de manière relativement importante aux niveaux de pollution intérieure ;
Exemple : dans une étude française portant sur 8 écoles (2), il a été montré qu’en l’absence d’émissions intérieures, les ratios d’émissions intérieur/extérieur (I/E) variaient entre 0 et 0,45 pour l’ozone, entre 0,5 et 1 pour le monoxyde d’azote, et entre 0,88 et 1 pour le dioxyde d’azote.
- Les niveaux de transfert de pollution ne sont pas uniquement déterminés par l’éloignement des locaux par rapport à la source : ils dépendent également des caractéristiques des bâtiments (âge, orientation du bâtiment, système de ventilation, présence de ventilations aux fenêtres, moquette…). Par ailleurs, il a été observé que les niveaux extérieurs relevés « côté cour » subissent un abattement, l’immeuble jouant un rôle d’écran par rapport à la source de polluants (3).
Principaux déterminants de la pollution atmosphérique d’origine routière
De nombreux facteurs sont susceptibles d’avoir un impact sur l’émission et la dispersion des polluants liés au trafic routier : les caractéristiques des véhicules en circulation, le volume et les conditions de trafic, la structure urbaine, la topographie, les caractéristiques des bâtiments, ou encore les conditions météorologiques.
Dans une rue, le niveau de pollution de l’air peut varier selon :
- Le nombre et le type de véhicules en circulation (type et âge des véhicules, carburant) ;
- La vitesse de circulation des véhicules ;
- Les conditions de trafic (fluidité) ;
- Les conditions météorologiques (température, vitesse et direction du vent) ;
- Les caractéristiques de la rue et des bâtiments :
- Largeur de rue et hauteur des bâtiments : plus la rue est étroite et plus les bâtiments sont élevés, plus les concentrations sont importantes (le cas extrême est celui des « rues canyon » rues étroites bordées en continu part de grands bâtiments) ; à l’inverse, des voiries très ouvertes permettent une bonne dispersion et des niveaux de pollution plus faibles malgré un volume de trafic plus élevé ;
- L’écartement des bâtiments (porosité de la rue) : plus la rue est poreuse, plus les espaces colonisables par les flux de polluants sont importants et plus les concentrations ont des chances de baisser.
- La proximité du trafic routier : de nombreuses études ont mis en évidence l’existence de niveaux de pollution plus élevés à proximité directe du trafic ; il y aurait ainsi une diminution importante de la concentration de la plupart des polluants à une distance comprise entre 100 et 200 m de la route, sans mesure de mitigation. Plusieurs études rapportent une diminution de l’ordre de 60 à 80 % dans les 100 premiers mètres (4, 5), une autre une diminution de l’ordre de 50 % à une distance de 150 m de la route (6) ;
- La présence et le lieu d’implantation des espaces verts :
- Il a été estimé qu’un arbre mature en milieu urbain peut intercepter jusqu’à 20 kilogrammes de poussières par an (7) ;
- Dans les rues dépourvues d’arbres, 10 000 à 12 000 particules par litre d’air sont présentes, contre 3 000 dans les rues bordées d’arbres ;
- La quantité de particules dont le diamètre est inférieur à 10 microns (PM10) captées par les arbres varie en fonction de l’espèce végétale, mais aussi de leur position et implantation dans l’environnement (8).
Impacts sanitaires de l’exposition à la pollution atmosphérique
La pollution de l’air peut avoir divers effets à court et à long terme sur la santé. Selon l’OMS, la pollution de l’air est le principal risque environnemental pour la santé dans le monde.
Impact de la pollution de l’air perçu par la population
- En 2017, 4 habitants de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur sur 10 jugeaient que les pics de pollution, comme les niveaux de pollution quotidienne de l’air, les exposaient à des risques pour la santé « plutôt ou très élevés ». La même proportion de répondants a déclaré avoir déjà ressenti les effets de la pollution de l’air extérieur sur leur santé ou celle de leur entourage proche (9).
Effets de la pollution de l’air sur la santé et facteurs de variabilité
- Les effets délétères de la pollution de l’air sur la santé sont nombreux (1) : réduction de l’espérance de vie, augmentation des admissions à l’hôpital et risque accru d’affections cardiovasculaires (aggravation des insuffisances cardiaques, risque accru d’infarctus du myocarde, d’angor, d’arythmies, etc.), de certains cancers (cancers du scrotum, de la vessie, et du poumon) et de diabète ;
- La pollution de l’air peut avoir des effets différents selon la durée d’exposition (exposition aiguë ou chronique), la sensibilité individuelle (qui dépend notamment de l’état de santé et des antécédents des individus) et la concentration des polluants. Pour certains polluants (dont les particules fines), il n’existe pas de seuil d’exposition en-dessous duquel il n’y a pas d’effet sanitaire. Egalement, il est actuellement complexe de connaître précisément l’impact sanitaire d’une accumulation d’expositions à différents polluants (« effet cocktail ») (10) ;
- D’après les estimations de Santé Publique France, la pollution par les particules fines (PM2,5, de taille inférieure à 2,5 micromètres) serait à l’origine chaque année en France d’au moins 48 000 décès prématurés par an, correspondant à 9 % de la mortalité en France et à une perte d’espérance de vie à 30 ans pouvant dépasser 2 ans.
Impact de la pollution de l’air d’origine routière sur la santé
- Différentes études épidémiologiques suggèrent que les polluants issus du trafic automobile seraient plus nocifs que les polluants émis par des centrales thermiques. Elles ont également mis en évidence un lien entre la distance par rapport aux grands axes routiers et différents effets sanitaires :
- Un lien avéré dans l’apparition de l’asthme chez l’enfant : habiter à proximité de grands axes de circulation serait responsable d’environ 15 à 30 % des nouveaux cas d’asthme de l’enfant selon une étude portant sur 10 villes européennes et une étude menée dans l’agglomération parisienne ;
- Un lien avec la survenue de symptômes respiratoires non asthmatiques, de troubles de la fonction pulmonaire et de pathologies cardiovasculaires (infarctus aigu du myocarde…), ainsi qu’un accroissement de la mortalité (toutes causes et pour causes cardiovasculaires).
Zoom sur les populations vulnérables
- Les activités physiques (et notamment les activités intenses) augmentent le débit d’air inhalé de 5 à 10 fois par rapport à celui de la marche. De ce fait, les sportifs sont fortement exposés aux polluants lors de leur pratique ;
- Certaines populations sont particulièrement vulnérables aux effets de la pollution, comme les femmes enceintes, les enfants, les personnes âgées, les personnes souffrant de pathologies chroniques (maladies respiratoires chroniques allergiques et asthmatiques, maladies cardio-vasculaires, diabète…), ou encore les fumeurs.
Les femmes enceintes
- L’exposition à la pollution atmosphérique pendant la grossesse a des effets néfastes sur la santé de la femme enceinte et de l’enfant à naitre, qu’il s’agisse d’expositions aigues ou à une pollution de fond (11) ;
- Une exposition importante à la pollution augmente le risque de naissance prématurée et de pré-éclampsie chez la femme enceinte, de faible poids à la naissance et de mortalité infantile. Les mécanismes expliquant un effet des polluants de l’air sur le développement du fœtus et de l’enfant pourraient passer par une altération du placenta (12).
Les enfants
- Les enfants sont particulièrement vulnérables à la pollution pour plusieurs raisons (13, 15):
- Leurs poumons ne sont pas encore complètement formés ;
- Ils respirent plus rapidement que les adultes et absorbent ainsi davantage de polluants ;
- Ils se tiennent à une moindre distance du sol, où certains polluants atteignent des concentrations record.
- Plusieurs études ont montré que l’exposition à la pollution de l’air favorise la survenue d’infections respiratoires et endommage les fonctions respiratoires des enfants, même en étant faiblement exposés. Par ailleurs, elle affecte leur développement neurologique, moteur et mental, est associée à des résultats plus faibles aux tests cognitifs (mémoire, attention…) et plus globalement à des résultats scolaires moins bons. Enfin, une exposition à la pollution atmosphérique liée à la circulation routière est associée à un accroissement du risque de leucémie chez l’enfant ;
- Les enfants exposés à la pollution atmosphérique au stade prénatal et au début de leur vie présentent une plus forte probabilité de subir des effets indésirables sur leur santé au fil de leur croissance et à l’âge adulte.
Les personnes âgées
- De nombreuses études ont montré que l’impact sanitaire de la pollution est plus marqué chez les personnes âgées que pour le reste de la population (16) ;
- L’exposition à une pollution importante est associée chez les personnes âgées à :
- Une mortalité cardiopulmonaire et respiratoire (broncho-pneumopathie chronique obstructive et pneumonie notamment) accrue ;
- Une augmentation des hospitalisations et admissions aux urgences ;
- Une incidence plus élevée des pathologies respiratoires ;
- Une fonction pulmonaire diminuée.
Les inégalités environnementales
- Les personnes défavorisées sont plus susceptibles d’être exposées à des nuisances ou risques environnementaux, tant en quantité qu’en intensité, du fait de leurs conditions de logement et de travail, mais aussi parce qu’elles habitent dans des quartiers dont l’exposition aux polluants atmosphériques est plus élevée, à proximité des grands axes de circulation ou de sites industriels près desquels l’effet «cocktail» est le plus important (10) ;
Exemple : les populations défavorisées sont en proportion deux fois plus nombreuses à vivre à proximité d’une industrie polluante que les autres. En France, plus de 40 % des personnes qui vivent en Zones Urbaines Sensibles sont exposées aux risques industriels, soit deux fois plus que dans d’autres quartiers (17).
- De plus, à niveau d’exposition égal, les populations défavorisées encourent un risque sanitaire plus élevé que les autres, du fait notamment d’un état de santé moins favorable et d’un accès aux soins plus limité.
Pistes d’actions qui pourraient être envisagées pour limiter la pollution de l’air et l’exposition des populations
Pour plus d’efficacité sur la qualité de l’air, il est recommandé de mettre en place différents types d’actions de façon simultanée (18,19).
Aménager le quartier pour réduire les émissions polluantes et/ou l’exposition de la population à la pollution atmosphérique
Localisation des équipements
- Éloigner au maximum les établissements accueillant des enfants (écoles, crèches), les terrains de sports et les habitations des voies de circulation et notamment des plus passantes ;
- Orienter les ouvertures pour limiter l’exposition aux polluants (côté opposé des rues) ;
- Limiter la pollution de transfert dans les bâtiments en intégrant des systèmes de ventilation performants ; veiller à ne pas installer les prises d’air de ces systèmes côté rues.
Structure urbaine
- Proposer une architecture de quartier permettant une meilleure dispersion de la pollution de l’air en évitant les rues « canyons », éviter les bâtiments trop hauts, prévoir des espaces entre les bâtiments ;
- Prévoir des murs et toits végétalisés, notamment sur les bâtiments les plus proches du trafic routier.
Aménagement des abords des routes
Un certain nombre d’aménagements mis en place aux abords des routes peuvent contribuer à limiter la pollution liée au trafic routier (19) :
- Des obstacles physiques (haie végétale, mur antibruit) initialement prévus pour réduire les impacts sonores peuvent, de fait, impacter la dispersion des polluants ;
- Un grand nombre de travaux a mis en évidence le rôle des écrans antibruit quant à la déviation des masses d’air provenant de la route et leur dispersion en hauteur ou de chaque côté du mur via des turbulences locales. L’effet du mur sur la dispersion des polluants dépend des conditions météorologiques, de la hauteur du mur et de sa position par rapport aux vents dominants : l’impact doit être évalué au cas par cas, en tenant compte des lieux habités ou fréquentés par les populations ;
- Les revêtements catalytiques : d’abord utilisés pour leurs propriétés autonettoyantes, les revêtements photocatalytiques (en général à base de dioxyde de titane) s’avèrent aussi capables, sous l’action de la lumière, de dégrader les dioxydes d’azote. Concernant les enduits sur les murs, aucune action n’a été démontrée en situation réelle, mais les tests en laboratoire se sont révélés efficaces. Concernant les chaussées, les résultats des expérimentations en situation réelle sont partagés, mais l’intérêt concernerait en particulier les pics de pollution ;
- Les abat-poussières pulvérisés sur le revêtement maintiennent une certaine humidité de la chaussée et agglomèrent les poussières, limitant ainsi leur remise en suspension. Veiller à privilégier les produits les moins nocifs pour l’environnement et la santé (chlorure de calcium, lignosulfonate de calcium et d’ammonium) ;
- L’asphalte poreux : ces enrobés, principalement utilisés pour leurs propriétés acoustiques, sont composés de granulats de taille supérieure aux asphaltes traditionnels. Cela crée des vides dans lesquels les eaux de pluie mais aussi les particules déposées sur la chaussée peuvent être entrainés. Ces asphaltes ont cependant une durée de vie réduite par rapport aux enrobés traditionnels ;
- Le nettoyage des voiries : nettoyer les voiries par un balayage à sec ou avec de l’eau sous pression pour les débarrasser des poussières provenant de l’usure des pneus, des freins, ou de la chaussée permettrait de diminuer la concentration de particules fines. Toutefois, pour être efficaces, les études récentes réalisées notamment en Espagne montrent le nettoyage doit être renouvelé chaque jour.
Végétalisation du quartier
- Végétaliser massivement le quartier et notamment les abords des routes et les lieux fréquentés par les publics vulnérables (écoles, crèches, PMI, centre social…) ;
- Privilégier des espèces végétales ayant un potentiel de fixation des polluants atmosphériques (20) :
- Le magnolia de Kobé, le gommier blanc et le peuplier noir sont particulièrement adaptés aux bords de route, car ces espèces ont un fort potentiel d’assimilation du dioxyde d’azote ;
- Les conifères (pin, cyprès, épicéa) sont plus efficaces pour l’accumulation des particules PM10 que les feuillus (érable, peuplier et alisier blanc).
Limiter le trafic routier au sein du quartier et abaisser la vitesse de circulation à 30 km/h
- La seule réglementation de la vitesse de circulation (30 km/h) n’est pas suffisante pour diminuer l’exposition des individus à la pollution dans les rues (21), mais elle peut contribuer à apaiser le trafic, et conduire à une meilleure répartition entre les différents modes de déplacement (marche, vélo, voiture et transports en commun), ce qui devrait, à terme, favoriser les modes de transport les moins polluants (22) ;
- Cumuler différents dispositifs de réduction de la vitesse ;
- La limitation de vitesse devra dans la mesure du possible passer par d’autres aménagements que les ralentisseurs et dos d’âne, qui favorisent les émissions polluantes (décélérations / accélérations) ;
- Limiter les risques de trafic parasite au sein du quartier, en limitant les bénéfices du passage (temps de trajet allongé…).
- Voir fiche n°5 – Accidents de la route
Promouvoir et favoriser les mobilités actives plutôt que les trajets en voiture auprès de la population
- Mettre en place des campagnes de sensibilisation auprès de la population ;
- Mettre en place des aménagements favorables à la marche et à la pratique du vélo.
Voir fiche n°1 – Mobilités actives et activité physique
Effectuer des relevés de la qualité de l’air à différents endroits stratégiques, avant et après la mise en service de la voie de circulation