La création d’une nouvelle voie de circulation peut engendrer du bruit et constituer une nuisance importante pour les habitants. Cette fiche présente en quoi l’aménagement urbain peut avoir une influence sur le niveau de bruit et par quelles mesures limiter l’exposition de la population au bruit au sein d’un quartier.
Définitions, éléments de contexte
- Le bruit est une sensation auditive désagréable ou gênante, un son indésirable ayant un potentiel de gêne ou de menace pour la santé. Lorsqu’il est produit dans un environnement ouvert et affecte tout un milieu de vie, on parle de bruit communautaire (1) ;
- Les sources environnementales de bruit sont multiples : elles sont générées par la circulation routière, le transport ferroviaire et aérien, les activités industrielles, la construction et les travaux publics, le voisinage, les activités culturelles et de loisirs (2) ;
- Plus de 40 % de la population française est exposée à des niveaux de bruit qui dépassent 55 dBA. Parmi les personnes exposées, environ 75 % le sont au bruit du trafic routier, environ 18 % au bruit du trafic ferroviaire et 6 % au bruit du trafic aérien (3) ;
- On appelle la multi-exposition sonore la situation dans lesquelles des individus sont exposés à plusieurs sources de bruits environnementaux, ces sources de bruit n’étant pas assimilables au bruit de fond dans la mesure où elles sont parfaitement identifiables ;
- D’après une enquête de l’INRETS, parmi les français percevant des bruits issus des transports, 80 % ne déclarent qu’un seul type de source de bruit (bruit routier et aérien), 17 % perçoivent 2 sources de bruit (principalement route et aéronefs) et près de 3 % perçoivent 3 sources de bruit de transport. La multi-exposition concerne plus particulièrement la population à revenus modestes et vivant dans les grandes agglomérations ;
- L’OMS recommande de réduire les niveaux sonores produits par le trafic routier à moins de 53 dB en journée et 45 dB la nuit, car un niveau sonore supérieur à cette valeur est associé à des effets néfastes sur la santé.
Principaux déterminants du bruit d’origine routière
Différents facteurs sont susceptibles d’avoir un impact sur le niveau de bruit d’origine routière, tels que la distance de la source de bruit, le volume et les conditions de circulation, les caractéristiques des véhicules, le comportement des conducteurs, ou encore les caractéristiques de la voie de circulation.
Distance de la voie de circulation
- À l’extérieur, le son diminue très vite à mesure que l’on s’éloigne de sa source. À chaque fois que la distance double, le niveau sonore diminue de 3 dB(A) pour une source dite “ linéaire ” (route, voie ferrée).
Volume et conditions de circulation
- Le volume du trafic routier est le principal déterminant du bruit : plus le volume de trafic est important, plus les émissions sonores sont grandes. Selon le Centre d’Etudes sur les Réseaux, le Transport et l’Urbanisme (CERTU), une division du trafic par deux engendre un abaissement du niveau sonore de 3 dB(A), une division par cinq entraîne une diminution de 7 dB(A) ;
- Une circulation pulsée entraîne des émissions sonores plus fortes qu’une circulation fluide : pour des vitesses inférieures à 50 km/h, il y aurait une différence de 2 à 3 dB(A). Par contre, dans le cas d’une montée, aucune différence n’est observée entre des circulations fluide et pulsée.
Type de véhicules en circulation
- La proportion de poids lourds conditionne fortement les émissions sonores. Sur route urbaine, un poids-lourd émet autant que 4 à 10 véhicules légers, selon la vitesse et les conditions de circulation.
Le comportement des conducteurs
- Le comportement du conducteur (vitesse et style de conduite) a un impact sur le bruit :
- L’augmentation de la vitesse de conduite conduit à une augmentation des émissions sonores ;
- Un comportement agressif peut totalement annihiler l’effet réducteur du bruit de certains aménagements tels qu’un ralentisseur ou un plateau.
Caractéristiques de la voirie
- La pente de la voie : la déclivité modifie à la fois l’émission des véhicules (régime moteur) et leur vitesse : a vitesse égale, un véhicule est plus bruyant en montée que sur une route horizontale, du fait du régime moteur. En descente, la vitesse moyenne des véhicules légers est identique à celle sur une route horizontale ; En milieu urbain, l’influence de la pente est de l’ordre de 2 à 5 dB(A) ;
- Le revêtement de la chaussée : le revêtement de la chaussée n’est pas le facteur majoritaire dans les émissions sonores, car en dessous de 60 km/h, le bruit du moteur représente l’origine principale du bruit routier. Cependant, les revêtements acoustiques peuvent atténuer le bruit ; à noter cependant que l’efficacité de ces revêtements est limitée dans les vitesses inférieures à 50 km/h.
Les dispositifs de réduction de la vitesse
- Les dispositifs de réduction de la vitesse provoquent des variations de vitesse, entraînant par conséquent des changements du niveau sonore. Selon l’IBGE, la mise en place de zones 30, zones de rencontre et de zones piétonnes conduit à une atténuation globale du bruit routier, plus ou moins importante selon la réduction du trafic. Ainsi, les zones 30 engendreraient une baisse du bruit allant de 1,4 à 2,7 dB(A).
Impacts sanitaires liés au bruit
Gêne liée au bruit
- Le bruit constitue une nuisance majeure dans la vie quotidienne et une préoccupation grandissante pour la population. En 2017, d’après les données du Baromètre Santé Environnement, 26 % des habitants de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ont déclaré être gênés « en permanence ou souvent » par le bruit à leur domicile, soit une progression de 6 points de pourcentage depuis 2007 (4). Pour les habitants de la région, la circulation routière (voitures, camions, deux-roues à moteur…) est la principale source de bruit environnemental (37 %), devant les bruits de voisinage (conversations de voisins, pas, chocs…) (14 %) ;
- La gêne déclarée touche particulièrement les habitants des grandes agglomérations. Elle s’avère plus élevée dans les habitats collectifs urbains, pour lesquels les expositions au bruit cumulées sont importantes. Elle est également très liée à l’insatisfaction à l’égard du logement et du quartier, la gêne ressentie s’accroissant avec l’insatisfaction à l’égard d’un habitat dégradé et insécurisé.
Impact du bruit sur la santé physique et mentale
- Le bruit a un impact non négligeable sur la santé (3,6,7) : outre des effets sur l’audition (fatigue et perte auditive, acouphènes), le bruit peut porter atteinte à la qualité du sommeil (augmentation du temps d’endormissement, réveil prématuré par des bruits matinaux, éveils nocturnes modification de la structure interne du sommeil…) et générer des états anxiodépressifs, du stress, ou de l’agressivité d’une intensité variable selon les individus ;
- Une exposition chronique au bruit peut favoriser certains problèmes cardio-vasculaires comme l’hypertension artérielle, l’infarctus du myocarde ou encore les accidents vasculaires-cérébraux ;
- L’exposition au bruit d’origine routière est une source de stress et affecterait également le système endocrinien, ce qui pourrait avoir des conséquences nocives en influençant le métabolisme du glucose et des graisses, le système immunitaire, la fréquence cardiaque et la pression artérielle.
Impact sanitaire de l’exposition au bruit ferroviaire
- Selon l’importance des voies ferrées, la fréquence et la longueur des convois, ainsi que la proximité des immeubles, les passages de trains engendrent un niveau variable de bruits et de vibrations, susceptibles d’avoir des impacts négatifs sur la santé et la qualité de vie des occupants. Le bruit ferroviaire peut être gênant à la fois par son intensité (amplitude, registre de fréquences), son caractère temporel (évènement périodique, par opposition à un bruit continu), sa fréquence (augmentation du nombre de convois et du fret ferroviaire) ;
- Des études ont associé les vibrations des trains à un dérangement du sommeil, de la fatigue, une baisse de performance, des maux de tête, des vertiges et une tension artérielle élevée (8).
Zoom sur les populations vulnérables
Les enfants
- Le bruit est très présent dans la vie quotidienne des enfants et des jeunes (école, domicile, espaces de loisirs, transports…). Les classes, elles-mêmes, peuvent représenter des environnements sonores défavorables ;
- L’exposition au bruit a de nombreux effets sur la santé des enfants (6, 9). Elle peut, entre autres, affecter le sommeil, mais aussi le développement cognitif, l’apprentissage du langage écrit et parlé et du vocabulaire, l’attention, la mémoire et la concentration des enfants. De nombreux travaux de recherche ont mis en évidence une relation entre exposition au bruit et baisse des performances scolaires. Par ailleurs, la fatigue excessive due au bruit est souvent source d’agressivité et d’agitation psychomotrice. La qualité des échanges et le climat social se trouvent détériorés, engendrant une baisse de la participation et de la motivation ;
- Le risque potentiel de développer des dommages auditifs irréversibles est d’autant plus élevé que les enfants sont jeunes (en période de développement).
Pistes d’action qui pourraient être envisagées pour réduire l’exposition au bruit d’origine routière de la population
Différentes pistes d’intervention peuvent être envisagées pour réduire les émissions de bruit d’origine routière et l’exposition des populations (11) :
Diminution du nombre de voitures et gestion de la circulation
- Favoriser les mobilités actives par des aménagements physiques ;
- Synchroniser, s’il y en a, les feux de circulation (réduction des accélérations et décélérations entre les feux) ;
- Implanter des carrefours giratoires, plutôt que des intersections.
Diminution de la vitesse
- Baisser les limites de vitesse ;
- Utiliser une signalisation interactive de la vitesse (radars pédagogiques soit l’affichage de la limite permise ou de la vitesse du véhicule sur un écran) ;
- Installer des dos d’âne allongés, plutôt que des dos d’âne ou coussins berlinois ;
- Implanter des chicanes et des avancées de trottoirs ;
- Ne pas trop espacer (de 75 à 100 m) les différents aménagements ralentisseurs ;
- Assurer la visibilité des aménagements avec une signalisation et un éclairage adapté.
Réduction de la propagation du bruit
- Prévoir des dispositifs qui réduisent la propagation du bruit (murs antibruit, buttes de terre, édifices-écrans, rangées multiples de végétaux). La combinaison de plusieurs types d’écrans permet de maximiser l’efficacité de cette mesure.
Chaussées à faible émission de bruit
- Utiliser des revêtements à faibles émissions de bruit (revêtement poreux et à faible granularité, enrobés drainants) ;
- Entretenir et réparer les chaussées endommagées.
Distances séparatrices
- Établir des distances séparatrices entre les sources de bruits et les habitations et équipements accueillant des publics vulnérables (écoles, crèches).
Conception des bâtiments
- Optimiser la disposition des bâtiments ;
- Insonoriser les façades exposées et poser des vitrages performants sur le plan acoustique ;
- Disposer les pièces les plus sensibles au bruit du côté opposé à la source de bruit.
Protection des bâtiments sensibles contre le bruit (écoles, crèches)
- Maintenir une distance séparatrice importante entre les sources de bruit et les voies importantes (ou utiliser des écrans antibruit) ;
- S’assurer que les bâtiments et les cours des écoles et garderies ne se trouvent pas face au bruit ;
- Privilégier que les fenêtres qui s’ouvrent soient placées sur les côtés calmes ;
- Réaliser des relevés de bruit avant et après la mise en service de la nouvelle voie.