Relations sociales, mixité sociale et intergénérationnelle, cohésion sociale

La configuration spatiale et les aménagements d’un quartier (présence et qualité des espaces verts et espaces publics, de lieux de rencontre et de convivialité, équipements…) peuvent favoriser ou au contraire entraver les relations sociales entre les habitants et l’ambiance régnant dans le quartier. L’aménagement de la nouvelle rue doit intégrer une réflexion sur les aménagements susceptibles de favoriser les liens sociaux entre les habitants et la vie de quartier.

Définitions, précisions

  • Le capital social peut être défini comme le niveau de ressources sociales dont dispose un individu. Cette notion renvoie à la fois au nombre, au type et à la qualité des relations sociales des individus ;
  • L’isolement social est la situation dans laquelle se trouve une personne qui, du fait de relations durablement insuffisantes dans leur nombre ou leur qualité, est en situation de souffrance et de danger. L’isolement peut concerner chacun à tous les âges de la vie. Il est plus fréquent en milieu urbain qu’en milieu rural (notamment dans les villes de plus de 100 000 habitants). Plusieurs facteurs peuvent favoriser la situation d’isolement social (1) et sont liés :
  • A l’état de santé : le fait d’être malade et notamment d’être atteint d’une maladie chronique, ou le fait d’être touché par une addiction augmentent le risque d’isolement ;
  • A la situation sociale ou familiale : le fait d’être au chômage ou dans une situation d’emploi précaire, la monoparentalité ou encore la précarité socioéconomique augmentent les risques d’isolement social. Ainsi, selon la Fondation de France, 18 % des personnes déclarant des revenus inférieurs à 1 000 euros par mois sont en situation d’isolement objectif, contre 9 % dans l’ensemble de la population et 67 % d’entre elles vivent seules, contre 26 % en moyenne ;
  • A l’âge : le risque d’isolement augmente avec l’âge. On estime qu’un quart des personnes en situation d’isolement social sont des personnes âgées de plus de 75 ans.
  • Le sentiment de solitude se rapporte au fait de se sentir seul et d’en souffrir : il s’agit d’une expérience subjective. L’isolement n’est pas nécessairement corrélé à un sentiment de solitude ; a contrario, on peut se sentir seul sans être objectivement isolé. Dans le Baromètre Santé 2016, 38 % des personnes en situation objective d’isolement physique ont déclaré ne pas se sentir seules. Les sentiments de mal-être et de solitude ne tiennent donc pas uniquement à l’isolement. Les jeunes se disent plus que les autres sensibles aux sentiments de solitude ou d’ennui (1) ;
  • Le sentiment d’appartenance à une communauté (sense of community) renvoie au fait qu’un individu se représente comme membre d’un groupe sur lequel il peut exercer une influence et dont les ressources lui sont potentiellement accessibles, sans que ce ressenti soit nécessairement basé sur une expérience passée ou sur son capital social réellement observable (2) ;
  • La cohésion sociale correspond à l’état d’une société ou d’un groupe dont les membres sont unis par des valeurs et/ou des règles de vie communes et acceptées par tous et où existent une solidarité et un contrôle social. Appartenir à un groupe avec une forte cohésion sociale favorise la formation d’une identité collective, l’existence de buts communs, la création et au renforcement des relations entre les individus et l’attachement des individus au groupe, ce qui favorise donc l’intégration des individus et participe positivement à leur état de santé (réduction du stress, meilleure guérison de certaines maladies, bon déroulement d’une grossesse chez les femmes vulnérables...) (3) ;
  • La mixité sociale est à la fois un état - la présence simultanée ou la cohabitation, en un même lieu, de personnes appartenant à des catégories socioprofessionnelles, à des cultures, à des nationalités, à des tranches d’âge différentes - et un processus : le fait de faciliter la cohabitation sur un même territoire de groupes divers par l’âge, la nationalité, le statut professionnel, les revenus afin d’avoir une répartition plus équilibrée des populations.

Principaux déterminants des relations sociales, de l’isolement et de la cohésion sociale au sein d’un quartier : les espaces verts, les aménagements et équipements du quartier et les transports

Dans un quartier, une offre diversifiée en équipements publics, en commerces de proximité et en transports participe à la qualité résidentielle et à la cohésion sociale. De plus, la présence et la qualité des espaces verts jouent un rôle non négligeable dans les relations entre les habitants.

Parcs et espaces verts

  • Les parcs et espaces verts constituent des lieux de rencontre et d’échanges, propices aux relations sociales et à la création de liens sociaux. Ils contribuent à l’amélioration du capital social des individus et à la cohésion sociale au sein d’un quartier (4, 5) ;
  • Il a été démontré que les personnes résidant à proximité d’espaces verts sont moins touchées par la solitude et font moins l’expérience de l’isolement social que les autres (5). Ce résultat est valable quels que soient le niveau social de la population et l’urbanisation du territoire.

Aménagements et équipements

  • La présence d’équipements et services variés (mairie, bureau de poste, commerces de proximité, équipements sportifs…) sur un espace restreint permet à des personnes de différents âges, origines, ayant des intérêts différents, de se rencontrer et de tisser des liens (6) ;
  • L’aménagement de lieux de vie et de convivialité (aires de pique-nique, boulodrome, aires de jeux…) favorisent les relations de voisinage et la création d’une communauté au sein du quartier (7) ;
  • Le mobilier urbain, tels les bancs, les tables et les poubelles, et la végétation le long des chemins piétonniers et cyclables les plus fréquentés contribuent à hausser leur achalandage, favorise les contacts sociaux formels et informels entre citoyens, augmente leur sentiment de sécurité et favorise les déplacements actifs sécuritaires ;
  • Des équipements de jeux, tels que des terrains de pétanque, ou encore de modules d’exercices extérieurs pour adultes, maximisent le potentiel de socialisation offert par les parcs et créent des lieux propices à la pratique d’activité physique.

Transports

  • Pour les personnes vulnérables et notamment les personnes à bas revenus, les personnes âgées et les personnes handicapées, l’accessibilité à un réseau de transports en commun contribue à lutter contre l’isolement social et améliore l’accès à l’emploi, à l’éducation et à différents équipements (8) ;

Lien entre capital social et environnement

  • Plusieurs études montrent la réciprocité du lien entre capital social et environnement : les déterminants du capital social (espaces verts, aménagements…) sont eux-mêmes en partie déterminés par le capital social et la cohésion sociale (9).

Impacts sanitaires des relations sociales et de la cohésion sociale

Le nombre et la qualité des relations sociales des individus, tout comme la cohésion sociale réelles et perçues au sein d’un quartier, sont des déterminants importants de la qualité de vie des populations et peuvent affecter de façon positive ou négative leur santé physique et mentale.

Le capital social et le sentiment d’appartenance à un groupe : un impact positif sur la santé

  • Différents travaux ont montré qu’un capital social élevé diminue les risques de décès et contribue à l’allongement de la longévité, notamment en atténuant les effets du stress et de ses effets délétères sur la santé. Il diminue le risque de dépression et le déclin cognitif. Il favorise de plus la pratique d’une activité physique (10). Les bénéfices du capital social sont particulièrement importants chez les femmes et les personnes âgées de plus de 75 ans ;
  • Une étude réalisée auprès de plus de 69 000 personnes dans 50 pays a montré que les personnes disposant d’un capital social élevé se percevaient en meilleure santé et étaient plus satisfaites envers la vie que celles disposant d’un faible capital social. Cet impact était plus marqué chez les femmes que chez les hommes et chez les personnes âgées que chez les plus jeunes (10) ;
  • Le sentiment d’appartenance à une communauté favorise un bon état de santé en réduisant le sentiment de solitude et en améliorant la satisfaction envers la vie, notamment chez les populations défavorisées (2) ;
  • La cohésion sociale des membres d’une communauté, qui s’exprime par un taux élevé de participation à la vie sociale, est positivement associée à des comportements favorables à la santé, tels que le non-tabagisme, la consommation d’alcool modérée, les loisirs actifs, la consommation de fruits et légumes et une durée adéquate de sommeil (11).

Isolement social et solitude : des conséquences négatives sur la santé et la qualité de vie

  • De nombreuses études ont montré que l’isolement social affecte de façon négative la santé physique et mentale et la qualité de vie des individus (12) ;
  • Les individus isolés sur le plan social et ceux souffrant de solitude auraient un risque de décès prématuré 2 à 5 fois plus élevé que ceux disposant d’un réseau social ;
  • L’isolement social multiplie par deux le risque cardiovasculaire et représente un facteur prédictif d’hypertension, de maladies coronariennes et d’insuffisance cardiaque. Deux raisons peuvent être évoquées :
  • Les relations sociales peuvent agir comme des “tampons” (“stress buffers”) qui atténuent les impacts négatifs associés aux moments difficiles de la vie (maladie, deuil, divorce...) ;
  • Les individus qui ont un réseau social développé tendent à être plus actifs physiquement et à adopter de meilleures habitudes de vie, ce qui contribue à diminuer le risque de maladies cardiovasculaires et à améliorer l’espérance de vie.
  • L’isolement social a également un impact sur la santé mentale : il est associé à un risque accru de dépression, de consommation de médicaments psychotropes et de suicide.

Zoom sur les populations vulnérables

Les personnes âgées

  • L’avancée en âge, le handicap et la perte d’autonomie entraînent une restriction, voire un abandon des activités et liens sociaux des individus. En 2014, d’après une étude de la Fondation de France, la moitié des plus de 75 ans déclaraient ne plus avoir de réseau amical actif (50 %), ne plus avoir de relations avec leurs voisins (52 %) et/ou leurs enfants (41 %), des chiffres en augmentation par rapport à 2010 (13) ;
  • L’isolement des personnes âgées peut avoir des conséquences sanitaires graves : déclin fonctionnel et cognitif, négligence de soi (malnutrition, mésestime de soi, manque d’hygiène), risque accru de dépression et de suicide, troubles du sommeil…Par ailleurs, le repérage des problèmes de santé peut être retardé et entrainer une dégradation importante de l’état de santé physique et mental ;
  • Les personnes âgées (et notamment les femmes) qui se sentent intégrées dans leur voisinage présentent un meilleur état de santé physique et mentale et sont moins stressées que les autres (2) ;
  • La présence d’un réseau de transports et d’aménagements urbains de qualité réduit le risque d’isolement social chez les personnes âgées (2).

Les enfants

  • Les enfants vivant dans des quartiers de faible cohésion sociale seraient plus nombreux à expérimenter à l’adolescence des symptômes d’anxiété, de dépression et à présenter des troubles de comportements que leurs homologues de quartiers où la cohésion sociale est plus forte, démontrant que la cohésion sociale du quartier à l’enfance a une influence qui persiste dans le temps (14).
  • Les personnes en situation de précarité socioéconomique
  • Le chômage et la pauvreté comptent parmi les principaux facteurs déterminants de l’isolement social. Les conséquences négatives de l’isolement social et de la solitude sur la santé sont particulièrement marquées chez les personnes touchées par la précarité ;
  • Les chômeurs de longue durée, les étudiants, les familles monoparentales, les retraités, les réfugiés et les migrants par exemple, sont des groupes de population particulièrement touchés par la précarité et l’isolement social (13).

Pistes d’action qui pourraient être envisagées pour favoriser les relations et la cohésion sociales et lutter contre l’isolement

L’aménagement des espaces extérieurs

  • Favoriser la marchabilité1 au sein du quartier afin de réactiver les réseaux de proximité existants (commerçants, voisins) et favoriser la cohésion sociale (7) ;

Voir fiche n°1 sur les mobilités actives et l’activité physique

  • Créer ou repenser les espaces extérieurs pour en faire des lieux de rencontres et d’actions collectives ;
  • Prévoir la présence de mobilier urbain (bancs, tables à pique-nique…) le long des rues et dans les parcs, d’infrastructures de sport (aires de jeux, terrains de pétanque…) ;
  • Aménager des espaces (lieux, horaire) permettant la pratique d’activités libres de sports et loisirs (pétanque, aire de pique-nique…) ;
  • Prévoir des ombrages dans les espaces publics pour permettre leur fréquentation l’été ;
  • Favoriser la visibilité et l’accessibilité des équipements (sportifs, culturels, sociaux…) et associations du quartier.

Le renforcement de la visibilité et de l’accessibilité des équipements du quartier

  • Favoriser la visibilité et l’accessibilité des équipements (sportifs, culturels, sociaux…) et associations du quartier, pour tous les habitants ;
  • Soutenir le développement de « cœurs de quartier » vivants, disposant de commerces, cafés/restaurants, bibliothèques… propices aux relations sociales, plutôt que des quartiers à fonction uniquement résidentielle, non propices aux relations sociales (7).
  • Prévoir des équipements  à caractère rayonnants, en tenant compte de l’offre des quartiers alentours et des attentes de la population.

Des actions collectives favorables à la santé

  • Programmer des activités sociales et physiques adaptées pour tous les groupes d’âge afin d’augmenter les occasions de bouger et se socialiser (marches collectives, séances de yoga, pique-niques…) ;
  • Privilégier des activités gratuites et récurrentes ne nécessitant aucune inscription ou engagement à moyen terme afin de faciliter les contacts réguliers, mais non contraignants par les résidents (programmation de soirées dansantes, de matinées yoga, de pique-niques équilibrés, d’olympiades...).

Organisation d’activités orientées vers certains groupes de population spécifiques

  • Proposer des activités sportives et de loisirs pour certains groupes de population spécifiques, comme les femmes (danse, équipes féminines de sports collectifs…), les personnes âgées (renforcement musculaire…) et les jeunes (hip hop…).